mais pas non plus comme une démonstration, une connaissance, pas comme quelque chose qui existe en autrui, par exemple dans un animal, la terre, le ciel ou autre chose ; beauté qui au contraire existe en elle-même et par elle-même, simple et éternelle, de laquelle participent toutes les autres belles choses, de telle manière que leur naissance ou leur mort ne lui apporte ni augmentation ni amoindrissement, ni altération de quelque ordre que ce soit.
Quand on s'est élevé, par un amour bien compris des jeunes gens, des choses sensibles jusqu'à cette beauté et qu'on commence à l'apercevoir, on est bien prêt de toucher au but ; car la vraie voie de l'amour, qu'on s'y engage de soi-même ou qu'on s'y laisse conduire, c'est de partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cette beauté surnaturelle en passant graduellement d'un beau corps à deux, puis de deux à tous, puis des beaux corps aux belles actions, des belles actions aux belles connaissances, pour arriver à partir de ces connaissances à cette connaissance qui n'est autre que la connaissance de la beauté absolue et pour connaître enfin le beau tel qu'il est en soi.
[...]
Si la vie vaut la peine d'être vécue, c'est à ce moment: lorsque l'humain contemple la Beauté en soi. Si tu y arrives, l'or, la parure, les beaux jeunes gens dont la vue te trouble aujourd'hui, tout cela te semblera terne. Songe au bonheur de celui qui voit le Beau lui-même, simple, pur, sans mélange, plutôt que la beauté chargée de chairs, de couleurs et de cent autres artifices périssables...
Platon - Le Banquet